Gunpoint

Développé pendant de longues années par un seul homme, Tom Francis, Gunpoint a débarqué en Juin sur Steam et le Humble Store (1) pour une petite dizaine d’euros. Jeu d’infiltration feat. puzzle-game, Gunpoint vous met dans l’imper fatigué de Richard Conway, espion-hacker-freelance avec un CAP électricien, dans une sombre histoire d’espionnage industriel et de complots corporatistes.

Aux premiers instants du jeu, Conway reçoit son « Bullfrog Pants » acheté sur Internet et ne peut s’empêcher de l’essayer immédiatement – l’excitation du moment, vraisemblablement. L’objet lui permet de faire des bonds surhumains et de s’agripper à n’importe quelle surface, grâce à une paire de gants électrifiés. L’espion-couillon oublie qu’il se trouve dans son minuscule appartement, passe par la fenêtre et s’écrase trois étages plus bas, en prenant soin de traverser la verrière de l’entreprise voisine, un fabricant d’armes. Heureuse coïncidence, Conway est appelé par l’une des employés de ladite entreprise pour espionner un concurrent, mais l’offre se voit brutalement coupée par l’assassinat de la commanditaire. Evidemment, une caméra a filmé l’atterrissage plus ou moins contrôlé de Conway et le voilà accusé du meurtre. Je m’arrête là pour l’histoire, très bien écrite et pleine de rebondissements, qui vaut vraiment la peine d’être découverte lors de la partie. Sachez seulement qu’elle implique des dialogues à choix multiples entre les niveaux, des missions déblocables en fonction de ces choix et un humour pince-sans-rire des plus réjouissants.

Visuellement, le jeu est très chouette, même si on peut reprocher à son esthétique en pixelart d’être un poil lisse et proprette (il s’agit d’une considération éminemment subjective). Ce look a le gros avantage de faire tourner le jeu sur des configurations très modestes, voire antédiluviennes. La bande-son par contre est exceptionnelle, avec ses tonalités jazzy/film noir qui donnent son identité au soft. Voilà pour les considérations esthétiques, le cœur du jeu résidant dans ses mécaniques…

Mine de rien, grâce au prologue, Gunpoint nous familiarise naturellement avec sa première mécanique : le saut de puce. Déplacer Conway dans l’espace en 2D grâce à cette capacité s’avère aussi aisé que jouissif, une fois maîtrisée. On peut grimper sur toutes les surfaces – verticales ou horizontales – sauter par-dessus les détecteurs de mouvements, contourner un garde en passant par le plafond (leur vision est très limitée), etc. Mais le jeu serait un poil pauvre s’il se limitait à cette seule capacité. C’est donc quelques missions et un passage dans la boutique ingame plus tard, que l’on se retrouve avec l’abilité « rewire » grâce au Crosslink.

Un niveau facile pour commencer...

L’interface du « rewire » pour l’un des premiers niveaux. Une porte ouverte (en bas), une fermée (en haut), un néon et un interrupteur pour changer tout ça.

Concrètement, ce pouvoir vous permet d’afficher tous les objets électriques en surbrillance et de les relier entre eux librement. Une porte fermée vous empêche d’accéder à votre objectif ? Un petit coup de molette pour afficher l’interface « rewire« , un clic pour relier l’interrupteur le plus proche avec la porte et le coup est fait. Si les premiers niveaux sont plutôt simples et servent surtout à se familiariser avec cette nouvelle capacité, très vite, ils seront peuplés de gardes, mobiles ou immobiles mais toujours létaux (une balle suffit à vous tuer) et de systèmes de sécurité complexes (alarmes, caméras, détecteurs de mouvements…) qui vous obligeront à bien planifier votre chemin avant de vous lancer.

Couplée au saut de puce, le « rewire » permet tout un tas d’approches d’un même niveau – même si, au final, une seule sera récompensée par les notes les plus élevées – et par là, une rejouabilité plus que correcte. A la fin de chaque mission donc, votre client vous note et vous obtenez des titres plus ou moins flatteurs en fonction de votre approche : fracassez la tête de tous les gardes et on vous taxera de psychopathe (2), restez hors de vue de tout le monde et vous serez un ninja, atteignez votre objectif le plus rapidement possible et vous aurez le titre de « swift » (prompt, en VF)… Une bonne partie du plaisir de jeu vient de cette envie de recommencer le niveau pour avoir la note suprême, le « A+ » tant convoité. A savoir que chaque client a aussi ses préoccupations toutes personnelles : l’un d’eux souhaite que vous récupériez un PC planqué dans le niveau (il y a en un dans presque toutes les missions) quant un autre ne veut aucun témoin vivant de votre passage… Il faut donc se plier à ce critère supplémentaire pour débloquer le fameux « A+ ».

En plus de gardes mieux équipés – certains seront impossibles à neutraliser par la force – les systèmes électriques se complexifient également au fur et à mesure de la progression : dans les niveaux avancés, les objets « rewirables » seront de couleur différentes, un interrupteur rouge ne pouvant être relié à une porte verte, par exemple. De plus, il faudra souvent pirater un transformateur de la couleur associée pour pouvoir interagir avec ces objets. Le « route planning » devient très vite essentiel, ne serait-ce que pour voir la fin d’une mission. Le « rewire« , véritable mécanique de puzzle-game, permet aussi des approches très complexes, à base de réactions en chaînes, incitant à penser « outside the box » et à expérimenter des approches osées (relier le flingue d’un garde à un interrupteur ou un détecteur de mouvement…).

Une boutique est intégrée au jeu, permettant d’acheter quelques améliorations entre chaque mission : certaines seront obligatoires pour continuer l’aventure – le Crosslink – d’autres sont des améliorations de « confort » (ne pas faire de bruit en traversant une vitre, atterrir sans dommage ni bruit…) destinées à recommencer les missions précédentes dans de meilleures conditions pour décrocher le « A+ ».

Les choses se corsent...

Un niveau un chouïa plus complexe : trois gardes, une caméra, un ascenseur, plusieurs interrupteurs…

Néanmoins, tout n’est pas parfait dans Gunpoint, le premier défaut venant de sa durée de vie : riquiqui en ligne droite, à peine 3 heures, elle se voit compensée par un éditeur de niveaux bien foutu et facile d’accès, mais qui ne tentera que les joueurs les plus créatifs. L’éditeur permet de partager ses niveaux avec tout le monde mais pas de créer une véritable campagne alternative avec des séquences de dialogues (un patch, peut-être ?). Refaire l’histoire depuis le début est également conseillé puisqu’en fonction de vos réponses dans les dialogues d’entre-mission, vous aurez accès à des niveaux différents. Malheureusement, pour cela, il vous faudra effacer votre sauvegarde précédente et refaire complètement le jeu – d’où un mode solo de 2-3 heures.

On note aussi un manque de variété dans les objectifs, là où Mark of the Ninja offrait des objectifs secondaires propres à chaque niveau : ici, il s’agit presque systématiquement de récupérer des infos planquées sur un ordi. Bien sûr, la comparaison entre ces deux jeux n’a pas vraiment lieu d’être dans la mesure où Gunpoint n’est développé par une seule personne quand MotN l’a été par une équipe entière – bien que modeste pour les standards de l’industrie.

Parmi les autres points négatifs, il faut reconnaître que le mode « rewire » manque un peu de polish : en effet, quand on commence à avoir des systèmes complexes à mettre en place, avec des gardes patrouillant un peu partout, le « rewire » devient plus bordélique qu’autre chose. On se retrouve à tout faire dans l’urgence et il n’est pas rare de relier le mauvais objet, nous coûtant la vie ou des secondes précieuses pour l’obtention du « A+ ». Heureusement, le système de sauvegarde est plutôt bien fichu : une fois tué, vous pouvez choisir de revenir quelques secondes en arrière ou de recommencer la mission au début. Je regrette seulement qu’un léger ralenti n’ait pas été implémenté quand on passe en mode « rewire« , cela aurait été évité l’aspect confus des derniers niveaux du jeu…

gunpoint 4

Gunpoint avait l’étoffe d’un grand jeu d’infiltration à la Mark of the Ninja, mais une campagne solo bien trop courte et un léger manque de polish dans les mécaniques de jeu (le rewire sans ralenti, quelle erreur) l’empêchent de bondir à la première place. Un très bon jeu qui vous occupera  4-5 heures au maximum, à moins de se plonger dans l’éditeur de niveaux pour créer et partager ses propres missions.

Evaluation du client : Amoins

(1) Si vous comptez vous le procurer, préférez l’achat sur le Humble Store via le site officiel du développeur : il vous donnera accès à une copie digitale du jeu sans DRM ET une clé Steam. Aussi, la part revenant au développeur est de l’ordre de 95% (environ) sur le Humble Store contre « seulement » 70% sur Steam. Lisez cet article du Penny Arcade Report pour plus d’infos à ce sujet – english only.

(2) Un succès Steam se débloque si vous frappez un même garde plus de 100 fois.

Laisser un commentaire